mardi 28 janvier 2014

Ah, si les Français gouvernaient l’Amérique !



Et si les hommes politiques américains se comportaient comme leurs homologues français? The Economist s’amuse à inverser les rôles et imagine la Maison-Blanche en pleine crise amoureuse.

Des ragots sans aucun intérêt ont récemment distrait les citoyens du pays le plus puissant du monde. Dans son dernier numéro, le magazine People a révélé ce que le Tout*-Washington savait déjà : Barack Obama a une liaison avec Jennifer Aniston. Une indiscrétion qui a filtré en dépit des louables précautions du président : délaissant les attributs de sa fonction, M. Obama se rendait dans la soirée à l’appartement de Mlle Aniston, pour n’en repartir qu’au matin (non sans s’être fait livrer des bagels par les services secrets) sur un scooter, le visage dissimulé sous la visière d’un casque.

Cet inacceptable colportage a attiré l’attention du public sur la vie privée de M. Obama – qui, comme il convient à un homme d’importance, est aussi bien remplie que diversifiée. Celle qui fut longtemps sa compagne était Hillary Clinton, qu’il n’a jamais épousée mais avec laquelle il a quatre enfants. Leur rivalité politique a malheureusement porté un coup fatal à leur relation de couple, et il s’est alors rabattu sur Katie Couric, qu’il a installée comme Première petite amie à la Maison-Blanche. Celle-ci vient d’être hospitalisée – bouleversée, comme le serait n’importe quel journaliste, par le battage médiatique entourant le dernier “grand amour*” en date de son amant.

Question pertinente

On ne sait donc plus, malheureusement, si Mme Couric se trouvera aux côtés de M. Obama à l’occasion de son prochain voyage en France, dont les habitants, poussés par leur puritanisme ou leur impertinence, risquent fort de poser des questions déraisonnables. Ailleurs qu’aux Etats-Unis, si déplorable cela soit-il, la moindre grivoiserie émoustille l’opinion publique. Heureusement, les Américains se montrent plus subtils que les étrangers : 77 % d’entre eux considèrent que la vie privée du président ne regarde que lui. Quand, lors d’une conférence de presse, un correspondant de Fox News a demandé si Mme Couric était toujours Première petite amie, et que M. Obama a rétorqué sèchement qu’il s’agissait d’une affaire privée, les journalistes sont rapidement passés à la question plus pertinente du déficit budgétaire à moyen terme.

Ce n’est pas parce que les aventures amoureuses ne sont pas un problème à Washington qu’il faut pour autant les exhiber. Toute la publicité faite autour du divorce de George W. Bush et de son épouse Laura, et du remariage tape-à-l’œil de l’ancien président avec la chanteuse Beyoncé, a certes eu un côté très arriviste*, mais surtout elle a été très impopulaire. L’approche du prédécesseur de Bush, dite “trois minutes, douche comprise*”, que son chauffeur officiel conduisait discrètement chez ses maîtresses, était beaucoup plus habile. Comme celle d’un autre président, dont la fille illégitime vivait aux frais du contribuable. La meute des correspondants à la Maison-Blanche a poliment gardé son secret pendant treize ans, ne le révélant qu’un an avant la fin de son dernier mandat.

Soyons sérieux une minute

Vivrait-on mieux aux Etats-Unis si les politiques se comportaient comme François Hollande, Ségolène Royal, Valérie Trierweiler, Nicolas Sarkozy, Jacques Chirac et François Mitterrand, et si les Américains avaient une attitude plus décomplexée à l’égard de la bagatelle, comme c’est le cas des Français ? Des Américains plus doués pourraient enfin se lancer dans la politique sans craindre d’être brûlés vifs en place publique à la moindre démonstration de leurs trop humaines fragilités. Il y aurait davantage de Jack Kennedy et moins de Mitt Romney. D’un autre côté, si les hommes politiques français n’étaient pas protégés par la justice et la passivité de la presse, peut-être le message du Front national ne passerait-il pas aussi bien. L’idéal étant bien évidemment de suivre l’exemple du Royaume-Uni, dont la classe politique quasi immaculée est suivie de près par une presse réputée pour sa probité et sa sobriété.

Publié le 18 janvier 2014 dans The Economist Londres

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