mercredi 31 juillet 2013

libanisation

Libanisation: Processus de fragmentation d'un État, résultant de l'affrontement entre diverses communautés de confessions par allusion aux affrontements qu'a connus le Liban dans les années 1980.

Larousse.

mardi 23 juillet 2013

Les exclus du mariage pour tous

Kroll. Courrier International. 25 Juin 2013

Flaubert, la domestique et les cheikhs


À Dubaï, rapporte le quotidien Gulf News, le département crimes et investigations de la police vient de créer un prix pour les domestiques « bien élevés », dans le cadre d’une campagne intitulée « Aide domestique, précautions et accusations ». Cette campagne vise à « réduire le nombre de crimes commis par les domestiques » à Dubaï, poursuit Gulf News, en encourageant les employés de maison à établir de bonnes relations avec les familles pour lesquelles ils travaillent, a expliqué le lieutenant-colonel Ahmad Humaid al-Merri, responsable au sein du département crimes et investigations de la police.
Les familles, a-t-il précisé, peuvent recommander, pour ce prix, un de leurs domestiques ayant fait preuve d’un comportement exemplaire. Les lauréats du prix recevront des « cadeaux » de la police.


En 1857, Gustave Flaubert n’évoquait pas autre chose avec son portrait d’une vieille domestique dans Madame Bovary. 
Et si nous mettions ce passage à la sauce golfiote ?

« Mary Grace Andrada, de Manille, pour cinquante-quatre ans de services dans la même famille, une médaille d’argent offerte par la police de Dubaï – du prix de 100 dollars. 

Où est-elle, Mary Grace Andrada ? » répéta le lieutenant-colonel Ahmad Humaid al-Merri. »
Elle ne se présentait pas, et l’on entendait des voix qui chuchotaient :
« -Vas-y !
-Non
-À gauche !
-N’aie pas peur !
-Ah ! Qu’elle est bête !
-Enfin ! Y est-elle ? s’écria l’officier Mohammad.
-Oui ! ... la voilà !
-Qu’elle approche donc ! »

Alors on vit s’avancer sur l’estrade une petite vieille femme de maintien craintif et qui paraissait se ratatiner encore dans ses pauvres vêtements. Elle avait aux pieds de grosses sandales en plastique, et le long des hanches un grand manteau noir. Son visage maigre, entouré d’un voile terne, était plus plissé de rides qu’une datte flétrie, et des manches de sa tunique dépassaient deux longues mains, à articulations noueuses. La poussière du désert, la soude des lessives et le manche à balai les avaient si bien encroûtées, éraillées, durcies qu’elles semblaient sales quoiqu’elles fussent rincées d’eau claire ; et à force d’avoir servi, elles restaient entrouvertes, comme pour présenter d’elles-mêmes l’humble témoignage de tant de souffrances subies. Quelque chose d’une rigidité monacale relevait l’expression de sa figure. Rien de triste ou d’attendri n’amollissait ce regard sombre. Dans la fréquentation des anciennes bonnes du palais, elle prit leur mutisme et leur placidité. C’était la première fois qu’elle se voyait au milieu d’une compagnie si nombreuse, et intérieurement effarouchée par les drapeaux, par les tambours, par les messieurs en dechdéché, et par le Glock 17 du lieutenant-colonel ; elle demeurait toute immobile, ne sachant s’il fallait avancer ou s’enfuir, ni pourquoi la foule la poussait et pourquoi les examinateurs lui souriaient. Ainsi se tenait devant ces cheikhs épanouis ce demi-siècle de servitude.

« -Approchez, vénérable Mary Grace Andrada ! » dit le lieutenant-colonel Ahmad Humaid al-Merri, qui avait pris des mains de cheikh ben Zayed la liste des lauréats et, tour à tour examinant la feuille de papier puis la vieille femme, il répétait d’un ton paternel : « Approchez, approchez ! »
« -Êtes-vous sourde ? » dit l’officier Mohammad en bondissant sur son fauteuil ; et il se mit à lui crier dans l’oreille : « Cinquante-quatre ans de services ! Une médaille d’argent ! Cent dollars ! C’est pour vous ! »

Puis, quand elle eut sa médaille, elle la considéra. Alors un sourire de béatitude se répandit sur sa figure et on l’entendit qui marmottait en s’en allant :
« -Je la donnerai au curé de chez nous pour qu’il me dise des messes. »
« -Quel fanatisme ! » s’exclama un cheikh en se penchant vers un autre.
Mais la séance était finie. La foule se dispersa; et maintenant que les discours étaient lus, chacun reprenait son rang et tout rentrait dans la coutume : les maîtres rudoyaient les domestiques. » 

Emilie Sueur. L'Orient Le Jour. 19 Juillet 2013

samedi 20 juillet 2013

That's why we insure women

1st for Women Insurance Brokers: Dubai

Bois, mon gars, bois, Allah n’y voit goutte!


Au bout d’une heure de retard, le pilote de Tunis Air a finalement pris le micro pour nous assurer que notre avion décollerait bientôt “bi iznillah” (si Dieu le permettait), que nous arriverions à destination plus tôt que prévu “inch’Allah” (si Dieu le voulait bien) et que le climat de la capitale serait chaud et ensoleillé “alhamdulillah” (grâce à Dieu).


Il est intéressant de noter que la version anglaise de son message ne reprenait pas exactement les mêmes termes. Ce pilote était apparemment d’avis que les passagers étrangers (les “infidèles”) préféraient croire que leur avion volerait grâce à ses compétences de pilotage et quelques lois physiques ; que la durée de notre vol serait raccourcie grâce à des vents favorables ; et que les conditions météorologiques locales seraient du genre estival du fait des saisons et de cette chose qu’on appelle “la rotation de la Terre autour du Soleil”. 

Mais les passagers arabes et moi-même faisions partie de ces privilégiés qui méritaient davantage que ces vagues arguments scientifiques : il nous fallait la rhétorique de l’absurde. Nous ne méritions pas moins que la protection divine. En fait, je n’aurais pas été surprise que ce cher commandant de bord nous annonce qu’Allah en personne supervisait le bon déroulement de ce vol en dépit de son emploi du temps chargé. 

L’homme assis à côté de moi ressemblait à un vague cousin d’Oussama Ben Laden. Je poussai toutefois un soupir de soulagement en le voyant commencer à picoler. “Bois, mon gars, bois. Tout ce qui peut te faire t’endormir, je valide !” Mais n’allez pas croire qu’il buvait en public !“A’ouzoubillah” (Dieu l’interdit). 

Alors que les hôtesses proposaient de la bière (toujours un bon signe), il leur a demandé un Coca et en a bu une grande gorgée. Puis je l’ai vu sortir discrètement une bouteille de scotch (une mignonnette comme dans les minibars d’hôtels) et la vider entièrement dans son verre. La manœuvre avait été exécutée avec une telle rapidité et une telle dextérité que je n’étais moi-même pas complètement sûre de ce que j’avais vu, jusqu’au moment de le croiser sur le chemin des toilettes et de manquer de m’étouffer sous son haleine chargée. 

Bois, mon gars, bois. Un ivrogne sournois vaut mille fois mieux qu’un extrémiste sobre. Et ne crois pas cet imbécile de pilote : Allah ne te voit pas, ni moi, ni personne. Sa Sainteté fait une petite sieste pour cause d’abus de margaritas. 

Joumana Haddad
Now. Beyrouth
Publié le 17 juin 2013
"il y a des gens qui augmentent votre solitude en venant la troubler" Guitry

mardi 16 juillet 2013

voltaire

Sur son lit de mort, on demanda à Voltaire de renoncer à Satan et à ses œuvres. Il refusa, affirmant que ce n'était "pas le moment de se faire un ennemi".
Mieux vaut être malheureux qu'hypocrite, écœuré que naïf – et il vaut assurément mieux être maussade qu'idiot.

Courrier International. 12 Juillet 2013.